jeudi 6 février 2014

Plaquer, voyager, renaître et autres commentaires...

Une des fonctions essentielles du voyage est de revisiter sa propre existence.

Une des fonctions salutaires du voyage est d'éprouver ce que nous croyons être face à ces autres croyances d'être. Le soi culturel face aux autres cultures.

Une des fonctions essentielles du voyage est de remettre les compteurs à zéro, de se redécouvrir nouveau né.

J'ai lu et relu  cet article de la blogueuse Crafty B. J'en suis émue. Le texte raconte avec détails et force le basculement vers sa propre vie. Une étape initiatique et de survie. La reprise en main de sa propre vie. (Il est d'ailleurs intéressant de noter que son blog traite aujourd'hui du DIY et autres astuces pour personnaliser son environnement)...
La reprise en main de sa vie au prix de l'isolement qui s'ensuit. Elle décide d'en assumer le prix.

J'ai été touchée par son émotion, ses impressions du début à la fin. Impressions et émotions qu'elle partage avec honnêteté. Son but étant d'être au plus prêt de ce qu'elle a pu intimement ressentir.

Alors au delà du style, je souhaite revenir sur certains sujets de son article. En voici quelque uns que je commente:
Crafty B :  
"J'avais l'impression que ma vie était terminée, tout simplement. Pas que j'allais mourir ou quoi que ce soit : mais que tout était écrit, prévu avant que ça n'arrive, et je voyais parfaitement bien ou je serais dans un an, dans cinq ans, das dix ans."

Comment ne pas avoir des frissons à lire cette question si intime et si dérangeante ? Comment continuer à cultiver ce que nous constatons ne pas aimer et le remettre à l'ouvrage pendant des années comme si de rien n'était ? Combien sommes nous à s'être posé cette question et être passé à l'étape de l'action ? L'étape de reprise en main.
Il est heureux de lire des témoignages comme Crafty B. Yes c'est possible hors des chemins résignés !

Crafty B :
"Tout ce que je connaissais et qui m'était familier, les gens que j'appréciais, mon avenir professionnel, mes projets divers et variés tout comme mes petites habitudes, tout ça avait disparu.  Et je n'avais rien pour remplacer ce vide. Je devais attendre. "

Je vous parlais plus haut du nouveau né...L'étape de la renaissance commence dans la solitude. Nous sommes seules. Les autres étant au mieux témoins de cette naissance. Les liens avec les proches - ceux d'avant- étant forcément renouvelés, requestionnés.
Le neuf commence dans la solitude. Et ceci est normal. Et ceci est inconsciemment voulu. Et ceci est salutaire.
Le neuf certes...accompagné de son lot d'angoisses. Tout a un prix.

Crafty B :
"J'ai fini par rentrer non pas parce que ça m'avait suffit ou parce que j'étais enfin "en paix avec moi-même", mais parce que j'en avais marre d'avoir deux pantalons en rotation et une paire de chaussures de rando aux pieds toute la journée, parce que j'avais presque plus de tunes, parce qu'il fallait bien que je repense à bosser à un moment. "
 
Bien sûr que le voyage va la mettre à dure épreuve face à l'inconnu d'abord, face à ses propres ressources ensuite. Le voyage qu'elle décrit paraît parfaitement somptueux (en commençant par l'Islande). Encore une fois ce n'est pas le caractère exotique du voyage qui est intéressant mais plutôt la démarche existentielle et spirituelle. Et tout ce qui se remue en elle. 
Alors, il y a cette fameuse étape du retour qu'elle raconte. Et pour l'avoir personnellement vécu à maintes reprises, je partage mon ressenti.
Quand on revient d'un voyage où on est partie seule. Alors que la vie nous a redonné vie, alors que nos ressources psychiques - physiques - émotionnelles - matérielles ont été éprouvées, le retour au connu est impossible. Le retour au statu quo est impossible. Je crois sincèrement que c'est la phase du voyage la plus difficile. Vraiment dure. De cet espace de vitalité immense que nous avons ouvert en nous pendant le voyage, nous passons à notre retour à l'angoisse de l'ancien connu. Nous revenons avec nos têtes complétement chamboulées et nous faisons face à des existences dont l'ultime exigence est l'extrême sécurité. Deux univers se rencontrent sans se rencontrer. C'est une étape extrêmement angoissante. Le sujet du retour est trop peu abordé dans les récits de voyage. Au moment du retour, le voyageur se retrouve seul. Isolé et ce paradoxalement en terres connues.
Tout paraît insipide. Dérisoire. Ridicule. Nous ne savons plus parler aux gens qui eux mêmes ne savent pas nous parler. Nous avons très peur du statu quo, habitués à composer avec l'inattendu.
Nous avons vécu une étape existentielle alors que l'entourage est pris dans sa quotidienneté. Le gap.
Mais peut-être ceci n'est pas si important.
 
Il y a toute la suite à inventer.
Nous ne sommes plus comme avant. 
C'est peut-être le plus beau cadeau que nous nous sommes donné.

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